mardi 19 janvier 2016

La vraie valeur de la beauté cachée


De nos jours, beaucoup d'importance est octroyée à la beauté physique, qui est presque automatiquement associée à la réussite. Mais la beauté est en vérité multiple, et peut se retrouver dans de nombreux autres aspects de la personnalité, et pas seulement ceux qui sont visibles. Mais qu'est-ce, exactement, que cette beauté cachée? On pense bien sûr aux qualités qui sont, selon notre conception, intérieures, invisibles. La grâce, le charme, l'intelligence, la curiosité, l'altruisme,... La beauté se révèle à travers toutes sortes de qualités qui, au premier abord, ne se voient pas. Et pourtant, bien souvent, ces qualités sont bien plus riches et ont bien plus de valeur que l'attrait physique.

Après tout, qu'y a-t-il de plus précieux que ce trésor que l'on a au fond de soi? Qu'est-ce qui fait une belle personne, si ce n'est son authenticité? Etre vrai envers soi-même, sans compromis et sans faux-semblants, c'est révéler aux autres la seule beauté qui vaille vraiment la peine. La vérité est la beauté. La fidélité à ses valeurs personnelles, l'honnêteté, la recherche d'amélioration plutôt que celle de plaire, la dignité,... Autant de caractéristiques qui parlent d'un grandissement intérieur, et qui peuvent fortement améliorer notre vie. Car être beau n'est qu'une illusion du bonheur.

Le point fondamental qui différencie la beauté extérieure de celle intérieure, c'est que la première place le jugement dans le regard d'autrui, alors que la seconde concerne l'individu face à lui-même. Il en va de répondre aux attentes des autres ou aux siennes. Autant nous avons tous tendance à vouloir plaire, à chercher l'approbation dans le jugement des autres, au final, c'est en nous écoutant nous-mêmes qu'on atteint le réel bonheur. Le parcours le plus intéressant est celui que nous menons pour trouver notre propre vérité et pour la suivre.

Ce cheminement intérieur est le lot inévitable de la condition humaine. On ne peut y échapper, et chacun cherche à sa manière sa vérité. Mais souvent nous en sommes déviés par des désirs qui ne nous sont pas propres. Les standards de la beauté physique, par exemple, nous sont imposés, nous les subissons et pourtant nous aspirons à y correspondre. Ils ne nous appartiennent pas. En revanche, chacun est libre de définir des critères de beauté (physique ou non) auxquels il souhaite accorder de l'importance. La générosité, par exemple, pourrait être un de ces critères. Celui qui valorise la générosité la reconnaîtra chez les autres, les admirera pour cela et s'efforcera d'appliquer cette qualité dans ses actions.

Les personnes les plus admirables ne sont-elles pas celles qui vont jusqu'au bout de leurs convictions? Cette intégrité on la retrouve dans le personnage d'Atticus Finch, dans le roman de Harper Lee To Kill a Mockingbird. Avocat se battant pour une cause qu'il estime juste mais qui est malheureusement perdue d'avance, il n'abandonne pas et s'accroche à ce en quoi il croit: une justice pour tous et l'égalité de tous les hommes. A ces deux enfants aussi, il tente d'enseigner ses valeurs. Il leur apprend que les gens ne sont pas toujours ce qu'ils semblent être, que parfois le vrai courage ce n'est pas d'en mettre plein la vue, mais un combat intérieur et un déterminisme face aux difficultés.

Un autre personnage de la littérature admirable pour sa rectitude envers ses principes personnels est Jane Eyre, du roman éponyme de Charlotte Brontë. Peu jolie, pauvre, Jane n'en éblouit pas moins Rochester par sa personnalité fougueuse et sa désarmante sincérité. Elle se sent libre et entend revendiquer sa liberté, même à une époque où les femmes n'y avait pas facilement droit. Elle se bat pour son indépendance, et refuse tout compromis à ses principes.

Inversement, on peut trouver des exemple de personnages qui sont beaux, mais dont la vie intérieure est tellement vide et insipide qu'ils en sont malheureux. Prenons Dorian Gray, par exemple. Oscar Wilde décrit un jeune homme d'une exceptionnelle beauté, mais aussi terriblement narcissique. Et quand il est amené à reconnaître et admirer son propre aspect physique, il en vient à formuler un vœu qui le mènera à sa perte. En restant intacte en apparence, c'est son âme qui se détériore.

La beauté intérieure est un peu comme un jardin secret, qui se cultive et s'entretient. Et plus on y travaille, plus on devient épanoui et heureux. Apprendre que toute beauté ne se voit pas forcément avec les yeux, c'est aussi pouvoir la reconnaître chez les autres. C'est mettre un terme aux préjugés, apprécier la Beauté avec un grand B, celle qui est abstraite mais tellement plus riche. C'est apprendre à se connaître soi-même et cheminer vers un développement intérieur plutôt que de se conformer à ce qui ne nous convient pas forcément.

Pour terminer, voici une citation sur laquelle méditer:
"The best part of beauty is that which no picture can express" (P.C. Cast)
"Le meilleur dans la beauté c'est ce qu'aucune photo ne peut exprimer"

 

lundi 18 janvier 2016

La communication avant le téléphone


Bien que l'invention du téléphone ait été un avancement considérable qui a grandement amélioré notre quotidien, je considère toujours avec intérêt la période qui a précédé son avènement. Quand parler avec quelqu'un signifiait automatiquement être en sa présence; quand les messages urgents devaient être télégraphiés, ou bien postés; quand aucune immédiateté n'était possible entre deux lieux séparés. La facilité avec laquelle on peut se joindre les uns les autres aujourd'hui a, je le pense, un peu terni notre façon de communiquer.

Grâce au téléphone, il est possible de parler avec une personne qui se trouve dans un autre lieu. Cela a dû ressembler à de la magie pour les premiers à l'avoir utilisé. Jusque là, être séparés physiquement rendait toute communication directe impossible. Une sensation que nous ne connaissons plus. Appels, messages textes, mails... nous avons à notre disposition tellement de moyens d'entrer en contact avec les absents, et avec une rapidité telle que bien souvent, ne pas recevoir de réponse immédiate est source de frustration.

Autrefois, il fallait ou bien se déplacer soi-même, ou bien attendre le temps qu'une lettre atteigne sa destination, que la personne réponde, et à nouveau que la réponse nous arrive. Cette attente était inévitable. Et plus le correspondant était éloigné, plus l’intervalle était long entre chaque lettre. Autant dire qu'on vivait la distance de manière concrète. Mais cette attente n'était pas vide, elle était pleine de l'expectation, la hâte d'entendre des nouvelles de l'autre. Et le plaisir n'en était que plus intense à l'arrivée de la lettre tant attendue, à la rédaction de celle qu'on s'apprêtait à envoyer en anticipant la réaction du correspondant.

Aujourd'hui, nous n'attendons plus, et nous sommes devenus impatients. Pour un rien, on se contacte. La rapidité est prise pour acquise. Mais en même temps on a perdu tout ce qu'il y avait dans l'attente d'autrefois. Le temps que l'on passait à penser à l'autre, l'attention et le soin que l'on portait à ses écrits, l'intérêt pour l'autre et ce qu'il avait à nous dire, l'anticipation grandissante. Aujourd'hui, si on a quelque chose à dire à un ami, on l'appelle, on lui demande, il répond, et on passe à autre chose. L'investissement que l'on mettait jadis dans nos communications, nous l'avons perdu.

Prendre des nouvelles ne met pas plus de quelques minutes. Avant, si on voulait savoir comment se portait un voisin, on se déplaçait chez lui, et on partageait un long moment à échanger ensemble. Il y avait une dimension d'effort que nous sommes entrain d'oublier. Parce que communiquer n'est pas seulement se dire ce qu'on a à se dire, c'est aussi donner de son temps et de son attention à l'autre. Avant le téléphone, chaque moment passé ensemble était précieux, parce qu'on savait qu'entre une visite et une autre, on ne se parlerait plus directement. On donnait sa juste valeur aux instants partagés.

Ainsi, la trop grande aisance apportée par le téléphone (et toutes les autres technologies de communication qui ont suivi) nous a fait perdre notre patience et notre appréciation. Avec l'anéantissement des distances (qui ne sont plus rien pour nous quand on veut se parler), c'est notre considération pour chaque mot partagé qui a diminué. Les paroles ne valent plus leur pesant affectif ou émotionnel, mais se comptent en termes de minutes et de forfaits. Entendre une voix venant de l'autre bout du pays n'a plus rien de magique; ça va de soi.

Si on se rappelle des difficultés d'autrefois pour entrer en contact avec ceux qui nous étaient éloignés, si on essaye de se mettre dans les souliers de nos ancêtres, alors on peut retrouver un peu de cet enthousiasme perdu. Pensons au parcours, long et lent, d'une lettre vers son destinataire. Pensons aux kilomètres nous séparant physiquement et ce que cela représenterait de les parcourir à pied. Alors la voix qui nous répond à l'autre bout du fil a quelque chose de magique. Alors la joie de se voir pour de vrai redevient précieuse.

mercredi 13 janvier 2016

"Peter Pan" illustré par Minalima

Ma fascination pour le chef-d'oeuvre de James Matthew Barrie ne date pas d'hier. Malgré les nombreuses adaptations cinématographiques, animées et autres, c'est toujours le texte original qui a ma préférence. C'est là que je retrouve la poésie, les métaphores et les messages brillamment confectionnés par Barrie. Il n'y a selon moi qu'à travers ses mots à lui que Peter Pan se révèle tel qu'il est, dans toute sa portée allégorique. Lire et relire ce roman n'est pas redondant, et je ne résiste jamais à une nouvelle édition qui peut m'entraîner dans des tréfonds encore méconnus de Neverland.

Dans cette superbe édition richement illustrée par les studios design Minalima (célèbres pour leurs collaborations à des films tels que Sweeny Todd ou The Golden Compass), on retrouve toute la magie de ce conte qui n'est autre qu'une ode à l'enfance et à l'imagination. Avant même de l'ouvrir, cet ouvrage promet de belles aventures: par son format luxueux et par sa délectable épaisseur. Le papier est légèrement épais, un peu jauni sur les bords, comme un livre ancien. Les illustrations qui jalonnent les pages sont un peu vintage et agréablement assorties selon un code couleurs, ce qui donne à l'ensemble un effet de cohésion soignée.

Chaque chapitre est introduit par une double page colorée qui comprend un extrait de quelques lignes. Outre les dessins, il y a de nombreux gadgets: cartes, dépliants, pop-ups, etc. Ce sont autant de petites surprises qu'on se laisse découvrir au fil des pages. Ce livre est comme un gourmandise, qu'on déguste sans trop se dépêcher tant on veut que ça dure.



Les dessins sont très jolis et apportent juste ce qu'il faut d'égayement au texte. Pour moi le danger quand on illustre un livre tel que Peter Pan, c'est d'en faire trop et de ne plus laisser suffisamment de place à l'imagination du lecteur. Les premières éditions de Peter Pan ne contenaient que très peu d'images, en noir, et plus évocatrices que représentatives. N'oublions pas qu'à l'origine, il s'agissait d'une pièce de théâtre. Avec les moyens pyrotechniques de l'époque, le spectateur devait faire de gros efforts d'imagination pour voir les forêts et lagons de Neverland, des fées (qui n'étaient que des lumières bougeantes) ou des enfants prendre leur envol.

Loin d'être réducteur et d'enfermer le lecteur dans un carcan qui entrave sa propre créativité, ce livre suggère mais n'impose jamais. Et c'est là la tonalité parfaite pour ce roman qui célèbre le pouvoir de l'imagination. Les dessins conservent une part de mystère (pas de visages, par exemple, simplement des silhouettes). Ils ne font pas qu'illustrer ce qui est déjà dans le texte, ils ouvrent des portes dans l'imagination du lecteur où il peut librement partir explorer à sa convenance.





Ce petit bijou est le compagnon rêvé pour se replonger dans ce récit merveilleux et retourner en enfance le temps d'une lecture. La magie de Peter Pan est sa capacité à nous faire redevenir enfant, et les illustrateurs de Minalima nous y aident avec toute la force de leur talent. Les illustrations et le texte forment la parfaite combinaison pour des heures de bonheur!

dimanche 10 janvier 2016

"Reines de cœur": les femmes de la monarchie des Tudor

Reines de cœur est le deuxième opus de la série Le Crépuscule des rois de Catherine Hermary-Vieille. Il se concentre sur les destins des femmes qui ont entouré Henry VIII durant la première moitié de sa vie. Des destins grandioses, parfois tragiques, pour des femmes amenées à devenir des reines. Grâce à la délicatesse de sa plume et à la finesse de ses analyses psychologiques, Catherine Hermary-Vieille redonne vie à ces reines du passé.

Le roman commence bien avant la naissance d'Henry VIII, quand ses parents se marient et débutent ensemble la dynastie des Tudor. Henry VII et Elizabeth d'York s'unissent pour mettre un terme à des années de guerre civile en Angleterre. Mais plus qu'un mariage d'intérêt, leur union est forte de réels liens d'amitié et d'un attachement inébranlable. Ensemble, ils parviennent à maintenir la paix, à rééquilibrer l'économie du pays, à instaurer un pouvoir stable, et espèrent ainsi léguer un trône sûr à leur fils aîné Arthur. Mais celui-ci meurt à peine quelques mois après son mariage à Catherine d'Aragon, l'infante d'Espagne. C'est donc son jeune frère, Henry, qui deviendra roi à sa majorité. Aussitôt sur le trône, il épouse Catherine, la veuve de son frère, et entame les manœuvres stratégiques commencées par son père. Sa sœur Margaret a déjà été envoyée épouser le roi d'Ecosse, tandis que la plus jeune, Mary, part bientôt devenir reine de France.

Ces femmes, considérées la plupart du temps comme des pions sur un échiquier politique, doivent se plier au destin qu'on leur impose. En tant que princesses, puis reines, leur rôle n'est pourtant pas si anodin: ambassadrices de leur pays, fines stratèges, œuvrantes pour la paix. Si l'univers patriarcal dans lequel elles vivent étouffe leur voix et voudrait réduire leur importance, elles n'en ont pas moins fait l'histoire que leur homologues masculins.

Catherine Hermary-Vieille dépeint des portraits aussi touchants que réalistes. Dans un contexte où elles doivent tout supporter, rester impassibles en toutes circonstances, les héroïnes de ce livre doivent toujours cacher leur états d'âme et leurs émois. Et pourtant leurs vies sont chargées en épreuves et en défis. Hermary-Vieille touche toujours juste quand elle révèle au lecteur cette vie intérieure dissimulée. Quand leurs vies leur sont volées, quand on a choisi leurs destins pour elles, tout ce qui leur reste comme liberté sont leurs pensées, leurs ressentis. C'est au fond de leurs âmes qu'elles trouvent du réconfort: dans leurs espoirs, les vestiges de leurs rêves brisés, l'amour qu'elle peuvent donner.

Je connaissais déjà le talent de Catherine Hermary-Vieille pour redonner vie au passé et recréer une époque et des lieux avec vivacité. Mais ce deuxième tome m'a stupéfiée par son exploration psychologique des personnages, en particulier des femmes, à qui était souvent imposé le silence à l'époque. Hermary-Vieille parvient à leur donner une voix tout en justesse et sans sombrer dans le pathos. Elle dévoile tout aussi bien leurs forces que leurs faiblesses. Leur courage et leur naïveté, leur intelligence et leur étourderie, leurs victoires et leurs erreurs. Celles qui restent dans l'histoire comme des figures muettes et mystérieuses sont ici rendues simplement humaines.

Lire ce roman (tout comme les autres titres de la trilogie Le Crépuscule des rois), c'est plonger dans l'histoire, s'immerger dans le passé. C'est rencontrer des personnages aussi vrais que nature et réaliser qu'ils ne sont pas si éloignés de nous. Catherine Hermary-Vieille remet de l'humanité dans l'histoire et nous raconte un récit aussi passionnant qu'émouvant.

mercredi 6 janvier 2016

Pourquoi tenir un "commonplace book"

Mon commonplace book personnel
Quand l'inspiration frappe, qu'une idée nous traverse l'esprit ou qu'on tombe sur quelque chose qui mérite d'être retenu, prendre stylo et papier n'est pas si anodin qu'il n'y paraît. Ce qui est écrit demeure à jamais. Trop de pensées passent dans notre tête tous les jours pour que nous puissions toutes les retenir, et trop souvent celles qui mériteraient d'être développées disparaissent dans les tréfonds de notre esprit encombré. Jeter sur papier ne fut-ce qu'une ligne, des mots clés, pour y revenir après, c'est se faire la promesse de ne pas oublier.

Rien n'est trop dérisoire pour être noté. Léonard de Vinci est célèbre pour ses carnets de notes, dans lesquels il ébauchait, s'entraînait, projetait... Et entre ses esquisses anatomiques et ses projets d'inventions, on peut trouver des choses aussi banales que ses listes de courses! Ses carnets étaient pour lui un moyen de se souvenir de ce qu'il ne voulait pas oublier. Bon nombre d'autres majeures figures de l'histoire pratiquaient cette habitude. Marc-Aurèle, Benjamin Franklin, Montaigne,... ils collectaient sagesses et réflexions, rêves et projets, désirs et idées en vrac, dans leurs carnets de notes.

Un tel carnet de notes, rempli des idées rencontrées au fil de ses lectures, de ses rencontres ou autres expériences, est appelé commonplace book en anglais (traduit en français par livre de raison). Né durant la Renaissance, le commonplace book est resté très populaire au cours des siècles auprès des artistes en tous genres. Réceptacle d'inspiration, véhicule des idées, ce carnet devient vite le meilleur ami des esprits bouillonnants.


Mais il s'agit également d'un outil exceptionnel pour n'importe qui, artiste ou non. Je tiens mon propre commonplace book depuis plusieurs années. J'y prends note de ce qui me frappe dans mes lectures, de citations et de réflexions d'auteurs, de ce que je veux retenir d'un article, de ce qui m'inspire, de projets que je souhaite mettre en place... Certaines pages sont des comptes rendus clairs et organisés, avec des titres et sous-titres, d'autres sont remplies de gros paragraphes un peu confus où les idées se bousculent. Il contient des poèmes, des listes, des références, des citations, des définitions...

Je peux aller y puiser à tout moment. Quand je cherche des informations sur quelque chose de précis, dont je me souviens vaguement et que je veux explorer à nouveau. Quand j'ai un besoin diffus d'inspiration ou de sagesse, alors je le feuillette de manière aléatoire. Quand il me faut une base pour écrire un article ici. Ce carnet est devenu ma référence. Et parce que c'est moi qui le complète et que je ne l'ai jamais fini, je sais qu'il est une source inépuisable de ce qui me tient le plus à cœur.

Posséder un commonplace book est un bien infiniment précieux. Combinaison des idées puisées chez d'autres (citations d'auteurs, poèmes plein d'inspiration,...) et de nos propres pérégrinations, le contenu d'un tel carnet de notes est comme notre trésor personnel. C'est un condensé d'inspiration, d'idées géniales, de sagesses. De ce qui nous rend vivant.

Quelques conseils:


  • Choisissez un carnet qui vous convient et surtout qui vous plait. Ecrire dedans doit être un plaisir avant tout!
  • Quand vous tombez sur quelque chose qui vous inspire, n'attendez pas avant d'en prendre note. Si vous attendez trop longtemps, l'idée se sera déjà érodée et vous risquerez d'en perdre certains détails.
  • Gardez de préférence votre commonplace book toujours sur vous. Alternativement, j'utilise un substitut de toute petite taille que j'emporte partout avec moi. Quand je rentre chez moi, je transcris mes note d'un carnet à l'autre, tout en les arrangeant et en leur donnant une meilleure forme.
  • N'hésitez pas à être créatif! Dessins, collages, couleurs... Tout est permis, ce carnet est à vous. Et surtout, il faut que vous y reveniez avec plaisir. S'il est trop morne et uniforme vous risquerez d'avoir du mal à retrouver vos idées.
  • Datez vos entrées. Je le fais par souci d'organisation, et pour faciliter mes futures consultations. 
  • Titrez aussi vos entrées. Ainsi vous savez de quoi il est question au premier coup d’œil, et n'aurez pas besoin de tout relire quand vous êtes à la recherche d'un passage précis.
  • Je note aussi la source de chaque entrée. Cela peut paraître aller de soi, mais parfois on se laisse porter par une idée et on oublie de noter d'où elle vient. Pour les futures références, c'est indispensable: ça contextualise, ravive plus facilement la mémoire et surtout, on peut retourner à la source si besoin.
  • Bien qu'il existe de nombreuses possibilités pour prendre des notes sur ordinateur, tablette ou smartphone, je recommande d'écrire à la main pour votre commonplace book. Parce que faire l'effort d'écrire à la main donne plus d'importance à ce que l'on écrit, et parce qu'on s'en souvient toujours mieux.
  • Cherchez l'inspiration partout: dans vos lectures, dans les films, dans les discours, dans vos rencontres, dans le quotidien, dans vos observations, dans la nature, dans vos conversations (ou celles que vous écoutez), dans une personnalité (célèbre ou non),... Même au supermarché! N'importe où, gardez votre esprit ouvert et laissez-vous surprendre.
Tenir un commonplace book vous rendra plus créatif, ouvrira vos horizons, exercera votre esprit à la réflexion et ne vous laissera jamais à court d'idées. C'est un réel bonheur autant de le remplir que de le relire, et c'est un véritable enrichissement personnel qui aura des résonances dans beaucoup d'aspects de votre vie.

vendredi 1 janvier 2016

Comment mettre un peu de Renaissance dans votre quotidien


Mes lectures récentes m'ont amenée à me plonger dans la Renaissance anglaise, une époque que j'ai fort à cœur. En m'interrogeant sur les raisons qui me font apprécier cette ère de l'histoire, je suis arrivée à une liste d'éléments qui me plaisent tout particulièrement, et que je pense qu'il est possible d'intégrer à nos vies modernes pour un petit goût de Renaissance dans notre quotidien.

Voici ma liste:

1. Soyez curieux

Ce qui caractérise la Renaissance avant tout, ce sont les découvertes. Avec l'émergence de l'humanisme, chacun était amené à se poser des questions sur le monde qui l'entourait et sur son existence. On remettait en questions les grands principes ancrés dans nos sociétés depuis des siècles, on poussait la réflexion toujours plus loin et on en apprenait tous les jours dans les domaines des sciences, de la philosophie, des arts, de l'astronomie,... Cette soif de connaissances n'a pas de limites, et on peut encore l'appliquer aujourd'hui. N'arrêtez jamais de vous poser des questions, ne prenez rien pour acquis et soyez en constante recherche de nouvelles réponses.

2. Faites quelque chose de vos mains

Ceci valait tout autant pour les classes travailleuses que pour l'aristocratie. Etre actif de ses deux mains était un style de vie. Les plus pauvres confectionnaient la plupart de ce qui leur était nécessaire: outils, vêtements, objets du quotidien. Chez les gens plus aisés, cette activité avait des allures de loisir plus qu'autre chose: couture, broderie ou tissage pour les femmes, peinture ou écriture pour les hommes. Sans compter que toute bonne éducation de l'époque impliquait l'apprentissage d'un instrument de musique. Alors utilisez vos mains pour vous mettre à l'oeuvre, même si c'est pour faire quelque chose à l'utilité limitée.

3. Mangez moins de sucre

Denrée de luxe et extrêmement coûteuse, le sucre était loin d'être aussi répandu qu'aujourd'hui. En conséquence, il y avait beaucoup moins de problèmes d'obésité, de diabète et même de caries dentaires à l'époque. Une alimentation "à la Renaissance" limitera donc les sucres et se composera d'un maximum de produits naturels. Préférez plutôt le miel comme substitut dans vos préparation, et manger des fruits en guise de "gourmandises".

4. Osez la poésie

A l'époque, la poésie était la forme littéraire populaire. Faciles à mémoriser, agréables à l'oreille, aisément mis en chanson, les poèmes séduisaient toutes les couches de la population, des plus aisés aux plus démunis. Qu'on les lise, les récite, les partage ou même les écrive, l'appréciation des poèmes est une tendance très Renaissance. Bien que tombée un peu en désuétude de nos jours, on peut facilement faire revenir la poésie dans notre quotidien. Alors ne vous laissez pas intimider et lisez, mémoriser ou écrivez des poèmes avec passion.

5. Laissez votre imagination vagabonder

Au sortir du Moyen-Age et à un temps pas si éloigné des nombreuses légendes dont les gens raffolaient, les hommes et femmes de la Renaissance étaient capables d'étendre leur crédulité jusqu'à des limites extrêmes. Les histoires que l'on partageait, les augures et les signes que l'on voyait un peu partout... peu de choses semblaient impossibles à nos ancêtres. Essayons de retrouver notre sens du merveilleux, de l'inexplicable, et n'ayons pas peur de laisser notre imagination nous entraîner là où nous n'oserions pas aller.

6. Lisez pour vous instruire

A cette époque, les livres était un des seuls véhicules de transmission de l'information. Pour être cultivé et avoir de la conversation, il était indispensable de passer par quelques séances de lecture. Les livres étaient aussi des objets coûteux, qui étaient soignés et chéris par leurs propriétaires. Ce caractère précieux des livres (tant par leur aspect matériel que par leur contenu) n'est plus tellement au goût du jour. Prenons la peine de temps en temps de considérer la valeur des livres, et surtout ne nous arrêtons jamais de les lire.

En suivant ces quelques conseils, votre mode de vie aura une subtile saveur de la Renaissance, comme une délicate épice qui se remarque à peine mais apporte une touche délectable à un plat.

Les Lionnes d'Angleterre: une immersion dans l'histoire

"Les grappes de roses grimpantes [...] fleurissaient en rose, jaune et blanc, certaines épanouies, déjà lourdes, d'autres encore en boutons, serrées dans le corset vert du calice."
Troisième tome de la série Le Crépuscule des rois par Catherine Hermary-Vieille, Les Lionnes d'Angleterre raconte l'histoire du règne d'Henry VIII (1491-1547) à travers ses six épouses consécutives. Cette période de l'histoire me fascine depuis plusieurs années, et des lectures que j'ai faites sur le sujet, celui-ci est un des meilleurs à mes yeux.

Il n'est pas nécessaire de lire cette trilogie dans l'ordre chronologique, et chacun peut être lu indépendamment des autres (j'ai moi-même commencé par celui-ci). Dans ce troisième opus, on est transporté à la cour d'Henry VIII, environ une vingtaine d'années après le début de son règne. Marié à Catherine d'Aragon, avec qui il n'a eu qu'une seule fille, le roi désespère d'avoir un fils pour lui succéder. Ensorcelé par la mystérieuse et intelligente Anne Boleyn, il envisage de répudier sa première épouse. Stratagèmes, complots, manœuvres politiques et débats religieux seront les conséquences de cette situation, qui mettra des années à se résoudre. Ne pouvant recevoir du Pape l'approbation de l'invalidité de son mariage à Catherine d'Aragon, et aidé par un entourage aux idées réformatrices (tels que Cranmer ou Cromwell), Henry se proclame chef de l'Eglise d'Angleterre et rejette l'autorité du Pape. C'est le grand schisme qui donnera (plus tard) naissance à ce que l'on appellera l'Anglicanisme. Mais pour le moment, Henry peut enfin épouser sa chère Anne. Elle sera sa reine durant trois ans. Aussi longue et ardue que fut sa montée, sa descente fut fulgurante et cruelle. Vont lui succéder quatre autres épouses, Jane Seymour, Anne de Clèves, Katherine Howard et Catherine Parr.

Ce roman très accessible nous fait entrer dans les coulisses de la grande histoire, celle que tout le monde connaît, mais dont les détails resteront à jamais obscurs. En employant une narration aux multiples points de vues, Catherine Hermary-Vieille parvient à éviter une vision trop simpliste et uniforme des événements. Les personnages se déploient ainsi dans toute leur complexité et révèlent leurs différentes facettes. Anne Boleyn, par exemple, admirée par les uns, méprisée par les autres, ne souffre pas de l'horripilant réductionnisme auquel la fiction l'a trop souvent contrainte, voulant la ranger dans une catégorie comme la louve impitoyable et calculatrice d'un côté, ou bien l'innocente biche tombée entre les griffes d'un monstrueux prédateur de l'autre. Par la délicatesse de ses analyses, et par les changements de focalisation, les descriptions d'Hermary-Vieille rendent justice à ses personnages qui apparaissent différemment selon l'observateur, et laissent au lecteur la liberté de former sa propre opinion.

Anne Boleyn et ses dames de compagnie dans la série anglaise Wolf Hall

Ce livre-kaléidoscope réussit aussi très bien dans son évocation d'un monde disparu. L'Angleterre du seizième siècle est ici ramenée à la vie d'une manière quasi sensorielle. Les lieux, les vêtements, les sons et les odeurs sont dépeints de façon très riche par Hermary-Vieille. Son très grand point fort est sa capacité à transporter le lecteur dans une autre époque sans tomber dans l'hyper-explicitation, qui est souvent le défaut des romans historiques. La prose coule de manière naturelle, a un puissant pouvoir d'évocation et entraîne le lecteur dans ses profondeurs avec une désarmante simplicité. Il y a quelque chose à la Dumas dans la vivacité de l'écriture qui est la fois très simple et très visuelle, tout en surprenant régulièrement par une belle phrase qui frappe par sa justesse et son élégance, voire sa poésie.

Et c'est une époque fascinante que celle des Tudor. Une époque où les grandes idées circulaient mieux que jamais avant dans l'histoire, et commençaient à changer le monde. Une époque où les arts occupaient une place importante dans le quotidien. C'était aussi une époque dangereuse, où une maladie pouvait emporter quelqu'un à une vitesse foudroyante, où l'on pouvait mourir pour ses idées si elles n'étaient pas assez conformes. Un temps où être femme était synonyme de soumission et d'infériorité aux hommes, et où celles qui voulaient prendre leurs propres décisions devaient mener un combat acharné et risqué.
Henry VIII dans le documentaire de la BBC,
Henry VIII and His Six Wives

Si dans le livre les mentalités sont parfois adaptées pour mieux correspondre aux sensibilités modernes, c'est sans doute là un penchant inévitable quand on écrit sur le passé. Cela dit, peu de moments m'ont frappés comme étant anachroniques de façon flagrante. Les mœurs de la Renaissance, à la sortie du Moyen-Age, sont parfois tellement éloignées de ce que l'on juge acceptable de nos jours qu'un certain degré d'adaptation est inévitable. Mais là où d'autres romans m'ont déçue par leur sensiblerie exagérée ou par un avant-gardisme qui dépasse les limites de l'anachronisme, Les Lionnes d'Angleterre ne succombe jamais à une trop grande envie de plaire à la sensibilité du lecteur actuel. Bien sûr il est choquant de voir des maris tromper leurs femmes sans que qui que ce soit ne relève un sourcil, mais c'était une réalité de l'époque. L'amour lui-même était un tout autre concept que l'idée que l'on s'en fait aujourd'hui. Juger des personnages historiques sur base de notre morale moderne est une erreur qui ne leur rend pas justice. Hermary-Vieille prend cela en compte tout en ne négligeant pas son lecteur et en soignant les pensées et comportements de ses personnages pour que le lecteur puisse s'identifier à eux et sympathiser avec leurs motivations.

C'est un véritable petit bijou qu'à écrit Catherine Hermary-Vieille. Elle recrée un univers dans toute sa vivacité, sa splendeur, mais aussi sa cruauté, et emmène son lecteur au cœur des engrenages de l'histoire qui, après tout, est faite par des individus qui se croisent et se décroisent, chacun avec leurs désirs, leurs objectifs et leurs motivations.