samedi 1 octobre 2016

Une histoire de la propreté


De nos jours, se laver quotidiennement est une habitude qui va de soi et l'hygiène de manière générale est un impératif presque obsessionnel dans nos sociétés. Nous savons tous pourtant que cela n'a pas toujours été le cas. Ce que l'on sait moins, c'est que l'histoire de la propreté corporelle est loin d'avoir été une évolution linéaire dirigée vers un constant progrès. Au contraire, c'est une histoire faite d'allers et de retours entre la maniaquerie la plus extrême et la négligence pure et simple, et toutes les attitudes intermédiaires. On sait que les Romains étaient de grands férus des bains publiques, et qu'ils se lavaient plusieurs fois par jour; mais saviez-vous par exemple que les bains publiques étaient aussi très populaires au Moyen-Âge? Ce n'est qu'à la suite de plusieurs épidémies de peste qu'ils ont été abolis, et que l'humanité est entrée dans l'ère la plus sale de l'histoire (on connaît tous la réputation de Louis XIV qui n'aurait pris que deux bains de toute sa vie...). Car durant environ deux siècles (du 16ème au 18ème), l'eau est devenue synonyme de maladie, une substance dangereuse qui débouche les pores de la peau et laisse s'infiltrer les microbes.

Tout cela, je l'ai appris en lisant le livre de Katherine Ashenburg, The Dirt on Clean, qui retrace l'histoire de l'hygiène corporelle depuis le temps des Romains jusqu'à nos jours. Ce fut une lecture aussi instructive qu'étonnante et amusante! Ce que j'en ai tiré va au-delà de l'apprentissage de simples faits: il m'a ouvert les yeux sur la fragilité de ce que l'on considère comme allant de soi. Le concept de propreté est en réalité tout relatif et n'a fait que changer, tandis que les croyances, conceptions et le rapport au corps oscillaient. Ce qu'une période de l'histoire considérait comme propre était entièrement contesté et remplacé par une autre conception à la période suivante. On voit ainsi l'étonnant parcours de l'humanité en matière d'hygiène, on découvre d'où l'on vient, et on remet en question nos propres valeurs en la matière.

Pour un Romain, se laver signifiait transpirer, s'enduire d'huile, se baigner durant plusieurs heures pour ensuite s'ôter sa couche d'huile et de transpiration à l'aide d'un ustensile en métal qui raclait la peau. Pas de savon à l'horizon. A l'inverse, au dix-neuvième siècle par exemple, on ne voyait pas le besoin de se mouiller le corps tout à la fois: un lavement à l'éponge et à la bassine était amplement suffisant (un témoignage raconte l'étonnement d'une dame entrant dans une baignoire pour la première fois de sa vie: elle se serait exclamée n'avoir jamais été mouillée toute entière en une fois!). Tandis que sous l'Ancien Régime, changer régulièrement de chemise de corps était le sommet de la propreté.

A nos yeux, tout cela peut paraître effarant. Se laver sans savon? Ne pas du tout se laver? Vivre dans un monde où personne ne se lave? On en a des frissons et le nez qui se retrousse. Ce que l'on ne peut s'empêcher de penser, c'est que les gens devaient sentir affreusement mauvais. A cela, Katherine Ashenburg a une réponse aussi concise que perspicace: "quand tout le monde sent, personne ne pue". Actuellement, nous trouvons cela intolérable de sentir les odeurs corporelles d'autrui, la raison étant qu'on n'y est pas habitués. Nous vivons dans un monde ultra-hygiénique, nous nous efforçons de masquer la moindre odeur naturelle (à grands renforts de savons, parfums, diffuseurs dans nos maisons, déodorants,...) alors quand une effluve de transpiration perce malgré tout ce barrage olfactif, c'est l'horreur! Notre nez n'y est pas habitué, et notre esprit a été éduqué à trouver cela révoltant. Ce à quoi on est habitué, ce qui est la norme, est accepté sans autre forme de réflexion. A chaque ère, les gens vivaient de la façon qui leur semblait entièrement normale.

Il est tout à fait normal pour nous d'être choqués par le manque de propreté de nos ancêtres. Mais de la même manière, les médecins du dix-septième siècle qui mettaient en garde contre les risques de l'eau sur la santé, étaient horrifiés par les anciennes habitudes des Romains qui se lavaient à tout va. Ce qui cause la surprise, voire l'horreur, quant aux habitudes hygiéniques qui diffèrent des nôtres, c'est que l'on considère notre vision des choses comme la bonne. Nous avons raison, ils ont tord. Or, ce qu'une étude telle que celle présentée dans le livre de Katherine Ashenburg nous apprend, c'est que justement ces croyances sont toutes relatives. Puisqu'elles ne font que changer, sont sujettes à des influences telles que la religion et son directement liées à une conception plus vaste du monde, elles ne sont jamais définitives. Nous pouvons être certains que le point de vue actuellement accepté sur l'hygiène a de grandes chances de changer dans les siècles à venir. Et les hommes du futur regarderont avec dédain et étonnement nos habitudes de propreté.

L'étude de l'histoire ne sert pas uniquement à s'instruire, mais aussi et surtout à éclairer l'ordre établi du présent et à le regarder sous une nouvelle perspective. C'est exactement ce que fait ce livre, richement fourni en anecdotes et basé sur des documents authentiques. Il illumine le passé et apporte une lumière nouvelle sur le présent. On en ferme la dernière page avec cette question troublante: finalement, qu'est-ce que la propreté?

jeudi 21 juillet 2016

A Connecticut Yankee at King Arthur's Court: quand Mark Twain nous fait voyager dans le temps


Que se passe-t-il quand un mécanicien du dix-neuvième siècle se retrouve accidentellement transporté au Moyen Age de la cour du roi Arthur et ses chevaliers? Il se passe pas mal de scènes insolites, de quiproquos résultant d'un inévitable choc des cultures et beaucoup, beaucoup d'aventures. Mais quand ledit mécanicien se met en tête de moderniser le sixième siècle en y apportant les avancements technologiques et sociaux de son époque, alors l'Angleterre est sans dessus-dessous, ses habitants décontenancés et le lecteur plus amusé que jamais. Ce sont ces folles péripéties que Mark Twain décrit dans ce roman, avec humour, détachement et une bonne dose d'ironie.

Hank Morgan, le héro, a plus d'un tour dans son sac. Après s'être sauvé de justesse des flammes du bûcher en prédisant un éclipse du soleil, le roi et sa cour le prennent pour un mage puissant (plus puissant, sans doute, que Merlin lui-même, lequel est constamment tourné en ridicule dans ce récit). Il fabrique de la poudre explosive, répare un puis dont l'eau est réputée sacrée avec force effets spectaculaires, il installe des lignes téléphoniques qui lui permettent de prévoir l'arrivée du roi dans un village (ce qui le hisse au rang de devin), etc. En bref, il devient l'homme le plus influent du royaume, bras droit du roi Arthur et libre dans ses agissements et entreprises. Ce pouvoir et cette liberté lui permettent de mettre en place un immense projet qui va révolutionner l'Angleterre médiévale: il va apporter la civilisation du dix-neuvième siècle.

Tout cela résulte bien sûr en un récit palpitant, plein d'aventures et de rebondissements. Les rencontres qui ponctuent les périples de Hank sont toutes plus cocasses les unes que les autres et le décalage entre lui et les habitants de Camelot est source de nombreuses scènes désopilantes. L'histoire est racontée par Hank lui-même, et son ton ironique apparenté à son point de vue d'Américain des années 1880 convergent en un humour décalé, perçant et satirique. Le monde de Camelot et ses traditions vus à travers le yeux d'un Yankee, c'est un univers étrange, qui fourmille d'absurdités et d'aberrations en tous genres. Tout le système est mis au pilori, et son jugement est sévère, mais, il faut le dire, très souvent juste...

Une des illustrations qui apparaissent dans le livre (par Dan Beard)
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Mais si ce roman est captivant et drôle à la fois (ce qui en soit en ferait déjà un excellent divertissement), il est aussi intelligent et donne à réfléchir. On peut tirer beaucoup de choses de ce livre, outre l'amusement qu'il ne peut manquer de susciter. Critique des sociétés anciennes et modernes, réflexion sur les véritables apports du progrès, remise en question de l'ordre établi, considération sur l'égalité des hommes entre eux (ou sur ce manque d'égalité)... Mais ce qui transparaît le plus clairement, au final, c'est que nous sommes tous des produits de la société dans laquelle nous avons évolué. Croyances, habitudes, façon de voir le monde... tout nous vient de cette "éducation" culturelle, à laquelle on n'échappe pas. Il a beau se moquer des moyenâgeux et de leur obscurantisme et leur naïveté, l'idéalisme de Hank et sa confiance inaltérable dans le progrès ne sont peut-être pas si éloignés de la foi aveugle qu'il déplore tellement chez eux. Et ni Hank, ni ses amis du Moyen Age, n'ont plus raison les uns que les autres.

J'ai lu quelque part que les histoires de voyages dans le temps ont déjà été tellement écrites que plus personne ne devrait s'y atteler à moins de n'avoir une idée innovante en la matière. Ce roman a été publié en 1889, et doit sans doute être l'un des premiers du genre à avoir jamais été écrits, et pourtant, s'il venait d'avoir été publié, je me serais dit: "voilà un roman innovant, qui réinvente et fait quelque chose de constructif du classique voyage dans le temps". Plongez-vous dans ce livre et vous partirez pour un voyage à travers les siècles qui vous entraînera du rire au larmes, sera aussi ludique qu'instructif et aussi divertissant que provocant.


mardi 5 juillet 2016

Quelques lectures d'été


C'est enfin l'été, et quand le soleil pointe le bout de son nez, on sent déjà la promesse des vacances, des après-midi à se prélasser dehors, des limonades avec des glaçons et autres plaisirs de la saison chaude. Que l'on parte ou non, l'été apporte inévitablement un souffle de dépaysement et a cette fragrance si particulière de douceur de vivre. Que peut-on rêver de mieux que d'accompagner la période estivale d'une lecture qui capture parfaitement cette atmosphère à la fois chaude et légère? Voici une petite liste des romans qui, selon moi, évoquent merveilleusement bien l'été et en forment une merveilleuse toile de fond.

F. Scott Fitzgerald




Un de mes auteurs fétiches, Fitzgerald, se lit le mieux, je pense, en plein été. L'essence même de ses romans et nouvelles est un univers vivace et plein de jeunesse, teinté de paresse et d'une certaine torpeur. Nul autre que lui n'a su dépeindre aussi subtilement une génération tout à la fois éprise de rythme, d'un tempo de vie accéléré, et figée dans une bulle qui limite le champs de ses possibles. Une génération aussi fugace qu'un été, trop vite passé. Quand il place Gatsby le Magnifique en pleine canicule, c'est physiquement que l'on éprouve la lourdeur de l'air et l'immobilisme ambiant. Mais ailleurs, c'est la légèreté associée à la saison qu'il fait sortir des pages. L'ouverture de sa nouvelle Le Pirate de Haute Mer (The Offshore Pirate) en est une sublime illustration: un yacht en pleine mer, le soleil scintillant sur les vagues, une jeune fille qui lit allongée tout en dégustant du bout de la langue un demi citron. Et nous voilà partis, emportés par la prose enivrante et évocatrice de Fitzgerald...


Dandelion Wine (Ray Bradbury)


Plus connu pour ses récits de science-fiction empreints de poésie et aux messages forts (dans le superbe Fahrenheit 451 par exemple), Ray Bradbury a aussi écrit des romans bien ancrés dans notre réalité, mais toujours aussi lyriques. Dans Dandelion Wine (traduit en Français par Le vin de l'été) il invite le lecteur au cœur de ses souvenirs d'enfance, lors d'un été qui englobe et symbolise à lui seul la magie de ses jeunes années. Dans le livre, le grand-père du protagoniste fabrique du vin de pissenlit, une boisson qui aux yeux de l'auteur, n'est rien d'autre que l'été mis en bouteille. S'il ne peut physiquement l'enfermer dans une bouteille, Bradbury a pu le capturer entre les pages de ce ravissant livre qui ne peut pas manquer de faire résonner chez le lecteur des images oniriques de courses dans les prés, de genoux verdis par l'herbe et de cheveux ébouriffés par le vent et l'air pollinisé. Une ode à l'enfance, à l'été, et à tout ce qui rend la vie merveilleuse.


The Silver Linings Playbook (Matthew Quick)


Sur la plage ou au bord de la piscine, rien ne se savoure mieux qu'un roman divertissant, drôle et captivant. The Silver Linings Playbook est exactement ce genre de roman. Mais tout en étant une comédie, il se tisse sur une toile quelque peu dramatique et est fait de la fibre parfois triste de la réalité. Aucune idéalisation ici, pas de romantisme en kit ni de recette du bonheur toute faite. Le narrateur, Pat, revient dans le monde après un séjour en hôpital psychiatrique. Le choc est dur, et il reprend ses marques petit à petit, avec l'aide de ses proches. Mais avant de pouvoir reprendre le cours de sa vie, Pat doit apprendre à regarder la vérité en face: qu'est-ce qui l'a conduit à l'hôpital? Comment peut-il ramasser les morceaux de sa vie qui a éclaté? C'est presque une enquête, le lecteur découvrant Pat en même temps que lui se redécouvre. Le long du trajet, émotions et éclats de rires alternent. Le livre idéal pour décompresser, s'amuser mais aussi apprendre comment vivre les difficultés.


Into the Wild (Jon Krakauer)


Pour certains, l'été est synonyme d'aventure, vacances égalent découvertes et prendre du temps pour soi signifie explorer sa vérité intérieure. Christopher McCandless aurait été de ceux-là. Dans Into the Wild, ce jeune homme à la soif d'absolu est ramené à la vie. C'est un récit initiatique plein d'inspiration qui nourrit chez le lecteur ce sentiment qui renaît bien souvent à l'approche des beaux jours: cette envie de renouveau, ce désir de trouver ce qui est essentiel et de suivre cette voie. C'est le pari que s'est lancé Christopher quand il est parti de chez lui un beau jour, soudainement et sans prévenir personne. Il a voyagé à travers l'Amérique jusqu'en Alaska, à pied et en auto-stop. Sur son trajet, il fait des rencontres inoubliables et progresse humainement. Son exemple suscite l'admiration, et son destin tragique est comme un rappel urgent: il faut vivre, vivre pleinement et maintenant.


The Painted Veil (W. Somerset Maugham)


Egalement un récit initiatique, mais dans un tout autre genre, The Painted Veil (Le voile des illusions) est l'histoire de Kity, partie pour un voyage qu'elle n'a pas choisi. Mariée à Walter, qu'elle n'arrive pas à aimer, elle se retrouve entraînée avec lui dans les tréfonds de la Chine, dans un village où une épidémie de choléra fait rage. Loin de son monde civilisé et sophistiqué, Kity est embarquée dans un parcours à la découverte d'elle-même.Chaleur, moustiques et révélations: l'été est ici la saison des remises en question, un entre-deux réservé à la contemplation. Le séjour de Kity est comme un pas de recul que l'on prend pour mieux observer sa vie. Car les vacances peuvent aussi avoir cette fonction: un répit du rythme habituel de la vie, pour se poser et mieux savoir où l'on va.


mercredi 29 juin 2016

Vers la simplicité


Quand on a une vie bien remplie, il peut devenir difficile de se recentrer sur ce qui est essentiel. Entre les préoccupations quotidiennes, les activités en tous genres, les responsabilités et les distractions constantes, on peut facilement perdre de vue la véritable direction que l'on voudrait donner à notre vie. Pour y voir plus clair, il n'y a qu'une solution: simplifier.

Simplifier, cela veut dire se désencombrer, se débarrasser du superflu pour revenir à ce qui compte vraiment. Dans notre culture, où l'abondance est devenue la norme, cela nécessite de faire le tri, de libérer de la place pour créer un vide dans lequel respirer. Car on finit par étouffer. Le monde devient de plus en plus complexe, de plus en plus chargé et on pourrait s'y perdre. Il y a toujours quelque chose d'intéressant à voir, à lire, à apprendre; toujours de nouvelles notions à adopter, de nouveaux concepts à comprendre... Mais tout cela nous est extérieur à nous-mêmes. A force de nous orienter vers ces stimulations externes, quand prenons-nous le temps de nous regarder nous-mêmes?

Pour retrouver notre être profond, il faudrait revenir à un mode de vie plus simple, plus dépouillé, mais ô combien plus riche. Il faudrait apprendre à ignorer le flux constant dans lequel nous baignons et observer ce qui est sous-jacent, c'est-à-dire ce qui est essentiel. Faire de la place pour voir plus clair, et se créer un espace où nous pouvons tout simplement être. S'entendre penser sans le brouhaha constant qui occupe notre esprit. Etre content de ce que l'on a. Ne pas chercher l'approbation des autres. Ne pas courir après une quantité infinie de désirs. Ne pas se laisser leurrer par les médias. Connaître la vraie valeur de chaque chose.

Tout cela est plus facile à dire qu'à faire. Comment s'y prendre, concrètement, pour atteindre cette simplicité tant désirée? Pour nous y aider, des spécialistes du mouvement minimaliste établissent des pistes et ne cessent de partager leurs conseils. Certains ont élaboré des challenges, tels des programmes à suivre pendant une certaine durée, qui mènent celui qui les suit à de véritables changements dans sa gestion du quotidien. En voici un, composé d'une piste par jour, que j'envisage de mettre en place durant un mois:

Challenge minimaliste

  1. Pas d'internet pendant une journée
  2. Méditation de 10 minutes
  3. Nettoyage digital
  4. Un jour sans se plaindre
  5. Identification de ses 3 à 6 priorités
  6. Créer une routine matinale
  7. Trier sa liste de lecture
  8. Apprendre à apprécier la solitude
  9. Diminuer le nombre de ses produits de beauté
  10. Pas de mails ou de réseaux sociaux avant midi
  11. Évaluation de ses engagements
  12. Déterminer ses objectifs de l'année
  13. Trier sa garde-robe
  14. Commencer à apprendre quelque chose de nouveau
  15. Examen de ses habitudes quotidiennes
  16. Pas d'achats pendant 24 heures
  17. Ne faire qu'une chose à la fois
  18. Se désabonner sur les réseaux sociaux
  19. Faire une promenade en pleine conscience
  20. Pas de télévision de la journée, lire à la place
  21. Ecrire pendant 20 minutes
  22. Créer une routine relaxante avant d'aller au lit
  23. Ne pas porter de maquillage
  24. S'entraîner à la gratitude
  25. Laisser une journée entière sans rien prévoir
  26. Identifier les sources de stress
  27. Nettoyer son tiroir à bazar
  28. Laisser tomber un objectif
  29. Éteindre les notifications
  30. Évaluation de ses cinq derniers achats
En suivant ces directives chaque jour durant un mois, j'espère changer durablement mes habitudes et obtenir une plus grande clarté d'esprit.

Pour terminer, j'aimerais partager cette citation de William Ellery Channing, qui résume selon moi ce que le minimalisme signifie, et ce que cela représente de vivre simplement:
"To live content with small means - to seek elegance rather than luxury, and refinement rather than fashion, to be worthy, not repectable, and wealthy, not rich - to study hard, think quietly, talk gently, act frankly, to listen to stars and birds, babes and sages, with open heart - to bear all cheerfully - do all bravely, await occasions - never hurry; in a word, to let the spiritual, unbidden and unconscious, grow up though the common. This is to be my symphony."
"Vivre en se satisfaisant de peu signifie - chercher l'élégance plutôt que le luxe, et le raffinement plutôt que la mode, être digne, pas respectable, et prospère, pas riche - étudier avec sérieux, penser calmement, parler avec douceur, agir franchement, écouter les étoiles et les oiseaux, les enfants et les sages, avec un cœur ouvert - supporter tout gaiement - agir avec courage, attendre les occasions - ne jamais se dépêcher; en un mot, laisser ce qui est spirituel, spontané et inconscient grandir à travers l'ordinaire. Ceci sera ma symphonie."

mercredi 15 juin 2016

Une œuvre, un moment: "Les premiers pas" de Vincent Van Gogh

Les premiers pas - Vincent Van Gogh (1890)
The Metropolitan Museum of Art (New York)
J'aime quand la peinture se fait le capteur instantané d'un moment qu'elle éternise à tout jamais. C'est le cas dans ce tableau du grand Vincent Van Gogh, qui est sans doute l'un de mes favoris de l'artiste. Bien que la touche Van Gogh soit immanquable, ce tableau se démarque de la plupart de ses œuvres, que l'on connaît plus pour les émois quelque peu torturés et les tourments qu'il y a couchés. Ici au contraire, ce sont les bonheurs simples de la vie qui sont immortalisés.

Les premiers pas est un titre aussi explicite que le sujet est sans ambiguïté. Un enfant s'exerce à marcher entre ses parents. Une situation on ne peut plus banale. Ce qui m'a immédiatement touchée dans ce tableau, c'est de découvrir l'universalité de ces gestes: la mère qui se penche pour soutenir son enfant, le père qui lui tend les bras pour l'encourager, la position de chacun... Nous avons tous connu cela, nous le reproduisons et nous continuerons de le voir. Et déjà du temps de Van Gogh (fin du XIXème siècle) on le faisait. Même un paysan laisse tomber ses outils un instant pour partager ce moment avec son enfant.

Et de tous temps, en tous lieux, ce moment se vit dans la joie et la fierté. On applaudit le petit qui titube tant bien que mal, on accompagne son exploit de grands sourires et d'encouragements. C'est à chaque fois aussi magique. Bien que les visages ne soient pas clairement visibles, on ne peut pas manquer ces émotions qui débordent de la toile et inondent son ensemble. Ce que le tableau exprime n'est que douceur de vivre et bonheur partagé. Il redonne toute son importance à un moment d'une grande simplicité, et toute sa douceur à l'amour parental dans ce qu'il a de plus ordinaire.

Les couleurs à elles seules traduisent ces sensations: les jaunes vifs, chaleureux et gais, mais tempérés par quelques touches de bleu qui adoucissent l'ensemble. Ce sont les couleurs du printemps, de la joie de vivre et du renouveau. Van Gogh et le jaune, c'est une longue histoire. Pensez à ses tournesols, à ses ciels étoilés où le jaune contraste plein d'éclat avec le bleu de la nuit. Pour lui, c'est la couleur de la joie par excellence. Ici, il ne se fait pas éclatant ni trop marqué, il imbibe l'ensemble de la toile avec délicatesse. C'est la lumière qui couvre le tout. Le jaune n'est pas en contraste mais en parfaite harmonie avec les autres couleurs qu'il côtoie.

Ces effets de couleurs miroitent parfaitement le moment qui est représenté. Les premiers pas, c'est une étape charnière, un renouveau dans la vie. Comme le printemps qui annonce l'été. L'enfant s'éveille au monde et la nature se réveille de son long sommeil d'hiver. Et la joie est dans l'air, partout autour d'eux. C'est cette pure simplicité, dans toute sa beauté, qu'a traduit ici Van Gogh. On est devant un spectacle de la vie de tous les jours, rendu glorieux par la peinture. Avec ce tableau, Van Gogh nous rappelle que la beauté est tout autour de nous, dans les plus petits détails et les moments les plus anodins. Il nous invite à mieux regarder et à apprécier la splendeur des choses simples.

mardi 31 mai 2016

Pourquoi Shakespeare?


Je suis une grande fan de William Shakespeare. Entendez par là: fervente admiratrice à l'enthousiasme explosif à la limite de la groupie. Je trépigne de joie quand je vais voir une de ses pièces de théâtre, je frémis de bonheur quand j'en lis une et parfois, j'ai des papillons dans l'estomac rien que quand je pense à lui et à l'héritage qu'il nous a laissé (oui, ça va vraiment jusque là). En fait, il est une source inépuisable d'exultation pour moi. Une passion que j'aimerais tant pouvoir partager avec les autres, mais le plus que je peux échanger sur le sujet se résume malheureusement souvent aux films de Kenneth Branagh, à Léonardo Dicaprio en Roméo ou à Shakespeare in Love (toutes de bonnes références en elles-mêmes, mais bien sûr, Shakespeare ne se résume pas à ça...). Je trouve cela tellement dommage que tant de gens passent à côté de cet auteur de génie, n'osent pas le lire parce qu'ils sont persuadés que c'est trop compliqué, sont réticents à aller le voir en production théâtrale parce qu'ils pensent s'y ennuyer, ou ne lui manifestent simplement aucun intérêt par pur préjugé et ignorance. Ce article a pour but de démystifier Shakespeare, de briser le solide carcan d'idées reçues qui le protège du grand public, et de vous démontrer pourquoi je l'adore. Il ne s'agit nullement de vous convaincre, mais juste de vous présenter une autre façon de voir le Barde et vous inviter peut-être à lui donner une chance.


Dédramatisez!

William Shakespeare: rien que son nom évoque les hautes sphères inatteignables de l'intellect, un univers réservé à une poignée d'érudits (et qui n'amuse qu'eux). Voilà l'image à laquelle il est souvent associé dans l'inconscient collectif. Mais c'est oublier qui il était réellement de son vivant. Permettez-moi de l'appeler Willy, histoire qu'on se détende un peu et qu'on ne se crispe pas à la simple évocation de son illustre patronyme. Willy, donc, était un dramaturge et acteur de la fin du 16ème siècle et début du 17ème. A cette époque, le théâtre était un loisir hautement prisé qui amassait aussi bien les masses populaires que l'aristocratie avec à leur tête le/la monarque. Toutes les couches de la société se précipitaient avec le même enthousiasme pour assister à la dernière pièce de ce bon vieux Willy. Ce n'est qu'avec le temps, au cours des siècles, qu'il a été adulé comme une divinité, élevé au rang des plus grands poètes et qu'une élite intellectuelle s'est emparé de son image pour se l'accaparer presque exclusivement. Ce monopole n'a pas réellement lieu d'être. Willy, c'est avant tout un auteur du peuple, qui écrivait pour tout le monde et n'aspirait qu'à toucher le plus de gens possible (donc, vous y compris!).

Shakespeare, c'est nous

S'il était proche de son public, Willy savait le toucher (je ne veux pas dire littéralement, quoique ce soit vrai aussi...). Les personnages de ses pièces, aussi éloignés de nous qu'ils puissent vous paraître, partagent les mêmes émotions que nous, les mêmes tourments, les mêmes dilemmes. Ils nous parlent parce qu'ils sont humains et qu'ils formulent (grâce à cette plume miraculeuse, à laquelle je reviendrai plus tard) ce que nous ressentons de manière diffuse et ne parvenons pas à mettre en mots. Qu'il écrive sur des rois, des paysans, des soldats ou des adolescents amoureux, Willy était capable d'infuser ses pièces de thèmes tellement universellement humains, que quatre siècles plus tard, on s'y retrouve encore. Le chagrin, par exemple, paraissait allonger le temps alors comme aujourd'hui, ainsi que le dit Bolingbroke dans Richard II: "Grief makes one hour ten". Qui ne connaît pas ce sentiment? Ce genre d'identification est une des richesses du canon shakespearien, parce que ses textes débordent de vie et que ses personnages sont des miroirs qui nous sont tendus.

Il est accessible

La langue de Shakespeare est bien souvent réputée pour être opaque et difficile à percer. Que l'aspect poétique de ses textes soit perçu comme une barrière est une réalité qui me désole. Bien sûr que personne ne s'exprime en vers dans la vraie vie; bien sûr qu'il y a un degré d'invraisemblance à surmonter avant de pleinement profiter d'une de ses pièces. Mais cela ne le rend pas pour autant inaccessible. Prenez n'importe quel film actuel: vous avez une impression générale de familiarité avec le langage utilisé, vous pensez retrouver la même manière de s'exprimer dans laquelle vous baignez au jour le jour. Pourtant, si on devait réaliser un film dans lequel les personnages s'expriment comme nous le faisons réellement, le résultat serait confus, non-linéaire et particulièrement désagréable à suivre. La vérité est que toute forme de fiction (que ce soit un film, une pièce de théâtre ou un roman) est régie par tout un système de conventions auxquelles on se plie parce qu'on y est habitués. Les conventions qui étaient de vigueur au temps où Shakespeare écrivait ont peut-être changé depuis, mais ses dialogues ne sont pas moins naturels que les échanges qui ont lieu dans votre série préférée. Vous y êtes juste moins habitués.

Des mots, des mots, des mots

Quel est-il, justement, ce style si spécifique? La plupart des dialogues de ses pièces sont en vers, un mode auquel nous ne sommes plus très habitués aujourd'hui. Et il était un fameux poète, ce Willy. La pure beauté de son langage laisse parfois (paradoxalement pour un dramaturge) sans voix. Ce qui m'émeut le plus dans ses textes, c'est l'infinie justesse de son propos, qu'il habille d'élégance, mais presque sans effort. Un de ses contemporains aurait un jour affirmé que Shakespeare écrivait sans la moindre rature, d'un seul jet. Que cette légende soit vraie ou non, l'effet qui est produit par son langage est une impression de poésie naturelle qui découle directement du cœur de ses personnages et déverse son flot de vérités sur l'existence de la plus sublime manière qui soit. Si personne ne parle en vers dans la réalité, peut-être est-ce la meilleure façon d'exprimer la réalité du cœur humain. Les histoires racontées par Shakespeare ne sont pas à elles seules dignes de la postérité dont il bénéficie. C'est le langage dans lequel il leur donne vie qui les sublime et qui lui vaut le nom de génie.

Il y a des outils

Le problème de non-familiarité avec sa langue en rebute beaucoup, ce qui est bien dommage. Je ne prétends pas qu'un lecteur actuel puisse lire une pièce et en saisir l'entièreté du sens spontanément et sans effort. Mots désuets, formulations obscures, références culturelles, sont autant de difficultés qui peuvent mettre un frein à la compréhension. Mais il existe une quantité infinie (littéralement infinie) de sources d'aide. Tout d'abord, je ne peux que recommander de lire les notes de bas de pages. Certaines éditions font un travail brillant pour éclairer la lecture. Il y a ensuite toutes sortes de livres sur Shakespeare écrits pour le grand public (des auteurs comme Bill Bryson, Ben Crystal ou Jonathan Bate) et qui étofferont votre connaissance du monde du Barde et sa manière d'écrire. Enfin, et là il n'y a plus de limites, il y a internet. Je suis loin (très loin) de connaître tous les sites de références existants, mais tapez simplement le titre d'une pièce dans votre moteur de recherche et vous trouverez tout ce dont vous pourriez avoir besoin et plus encore. Mais j'entends déjà des protestations: pourquoi irais-je lire quelque chose de tellement compliqué que j'ai besoin "d'aide" pour le comprendre? Ce qui m'amène au point suivant.

Il est infini

Il n'existe pas une bonne manière de comprendre ni le texte, ni les pièces de Shakespeare. Si Hamlet est plus difficilement abordable qu'un épisode de Friends, sa portée est aussi infiniment plus large. Le génie de Shakespeare est qu'il est parvenu à laisser suffisamment d'espace entre son texte et l'interprétation qu'on peut en faire. C'est précisément dans cet espace que ses pièces fleurissent dans tout leur potentiel infini. Comparer différentes productions d'une même pièce est justement pour cette raison très intéressant et enrichissant. Une seule et unique ligne peut être interprétée de différentes manières, et chaque acteur, chaque réalisateur, apporte une nouvelle approche au texte. Ne vous formalisez donc pas si une explication ne vous plait pas ou reste obscure pour vous. Vous êtes l'acteur principal de votre expérience de Shakespeare. N'oubliez pas qu'il écrivait pour le grand public, pour faire vibrer les cœurs, et non pour échauffer les méninges de quelques savants hautains. Prenez ce que vous voulez prendre, ne soyez influencé que par ce que vous approuvez, et rejetez les commentaires qui vous donnent la nausée.

C'est que du bonheur!

Lire ou voir une pièce de Shakespeare n'est pas une activité passive: adaptation à un langage inhabituel, concentration accrue, attention aux détails, esprit éveillé et ouvert à la réflexion... ce sont autant d'efforts que le lecteur/spectateur doit fournir. Mais pour quelle récompense! Les joyaux que vous découvrez alors valent mille fois le moment de divertissement facile et fugace que nous livrent la plupart des films ou séries actuels. Et j'ai une bonne nouvelle pour vous: plus on s'expose à Shakespeare, plus on se familiarise avec son style et plus on l'apprécie facilement. Oubliez le dur labeur qu'un professeur inflige à ses élèves pour décortiquer le monologue "être ou ne pas être". Laissez-vous porter par une langue qui fait ses preuves depuis plus de quatre cents ans, et laissez-vous surprendre!

mardi 17 mai 2016

L'écriture thérapie: quand les mots font du bien


Dans un article précédent je vous présentais le concept du commonplace book. Aujourd'hui c'est à un tout autre usage que je vous suggère de consacrer un carnet: celui de votre développement intérieur. L'écriture est un compagnon idéal dans la recherche de son épanouissement et un outil hors-pair pour parcourir ce cheminement personnel. Voici comment.

Les adeptes de la psychanalyse vous diront que la parole libère. C'est aussi vrai de ce qui est écrit. Imaginez-vous en thérapie, face à un psychiatre ou psychologue. Vous lui parlez librement, vous déchargez votre bagage émotionnel, et en sortant de votre consultation, vous vous sentez déjà plus léger. Vous vous êtes débarrassé d'un poids. L'écriture peut avoir cet effet là. Prenez votre stylo et un joli carnet, et déversez les mots comme ils vous viendraient en parlant. Le psy est remplacé par la page, qui reçoit le flot de vos mots sans le moindre jugement.

Le lâcher-prise est ici très important. N'écrivez pas avec l'idée de vous relire, de formuler de belles phrases ou de passer sous silence ce qui est moins "joli" ou "plaisant". La censure doit être brisée pour que votre âme se lâche et puisse se libérer de ce qui l'encombre. Le souci de la belle forme ne doit pas intervenir, au risque de vous freiner. Cela dit, vous n'avez rien à perdre à chercher la précision, l'exactitude et les termes justes. Plus vous essayerez de vous exprimer avec justesse, plus vous vous rapprocherez de votre vérité intérieure.

Ecrivez sur tout ce qui vous touche. Les petits tracas, les gros chagrins, les joies infimes du quotidien et les projets qui vous animent. Ecrivez sur un moment précis de votre journée, une difficulté rencontrée ou une angoisse particulière. Décrivez le concret, le vécu, mais aussi les pensées et réflexions qui vous travaillent. Développer un raisonnement et voyez où il vous mène. Quand on met ainsi les choses à plat, elles deviennent plus claires, plus ordonnées et plus limpides.

Ce qui vous étonnera en premier lieu, ce sera la lucidité que cet exercice vous apportera. En mettant des mots entre vous et votre ressenti, vous gagnez une perspective qui vous permet de mieux comprendre ce que vous vivez. C'est comme un travail d'interprétation, il faut traduire le vécu en termes et en phrases que le cerveau décortiquera plus facilement. Vous comprendrez mieux vos propres sentiments, vos mécanismes, votre manière de penser et de voir le monde. Et à partir de là, il vous sera toujours plus clair où vous désirez aller.

Ensuite vient la sérénité. Comme je disais plus haut, en écrivant sur un problème c'est comme si on s'en libérait. Prenez le problème du stress, par exemple, qui bien souvent nous empêche d'être au meilleur de nos performances. Une étude à l'Université de Chicago a prouvé les effets thérapeutiques de l'écriture pour vaincre l'angoisse. On a divisé un groupe d'étudiants en deux. Juste avant un examen, il a été demandé aux étudiants de l'un des groupes d'écrire sur leur peur d'échouer. Ceux-ci ont finalement obtenu des résultats supérieurs à ceux de l'autre groupe! Il est donc possible de se débarrasser des effets négatifs du stress (au moins en partie) rien qu'en le couchant sur papier.

Ecrire pour aller mieux et pour s'améliorer est une véritable technique qui fonctionne. C'est facile, ça fait du bien, et sur le long terme, on peut en ressentir de réels bienfaits. Un peu chaque jour, où seulement quand vous en avez besoin, prenez la plume et confiez-vous au papier. Vous vous y découvrirez vous-même, et vous vous sentirez plus libre et léger de jour en jour.