dimanche 27 décembre 2015

L'art gratifiant du fait maison

Ces dernières années, le do-it-yourself (autrement dit le fait maison) a énormément gagné en popularité. Il y a une véritable explosion de sites ou de vidéos qui proposent d'expliquer, étape par étape et souvent avec du matériel simple, comment réaliser ses propres accessoires, décorations, ou même vêtements. C'est devenu une véritable mode. Mais je pense qu'il s'agit de quelque chose de plus durable qu'un simple phénomène populaire et éphémère. Souvent, quand un phénomène attire un engouement collectif, il ne dure pas plus de quelques mois, tout au plus quelques années. Ici je pense au contraire qu'on touche à quelque chose qui a le potentiel de surpasser son status de mode et de s'ancrer dans nos modes de vie de façon durable.

L'art de faire les choses soi-même n'est pas nouveau. Au contraire, il a toujours existé, mais est quelque peu tombé dans l'oubli avec la montée du commerce industrialisé. Pourquoi, après tout, passer des heures à se confectionner une écharpe ou une bougie, quand ces objets peuvent être achetés à bas prix, nous épargnant un temps précieux? C'est évidemment la facilité qui l'emporte toujours. Mais cette façon de disposer des objets a aussi changé notre rapport à ceux-ci. Puisqu'il est si facile de se les procurer, leur valeur diminue à nos yeux. Mais faites l'expérience de tricoter vous-même votre écharpe. Cela vous prendra beaucoup de temps, certainement, mais au bout du compte, vous attacherez autrement plus de valeur à votre confection que si vous l'aviez achetée, car vous connaîtrez le labeur qu'elle représente. Et vous en prendrez d'autant plus soin. Votre écharpe sera unique, et elle sera vôtre plus que n'importe quelle autre disponible dans le commerce. Et ça, c'est précieux.

De plus, ce changement de rapport aux objets a des répercussions insoupçonnées. Le matraquage marketing quasi permanent auquel nous sommes soumis voudrait nous faire croire que l'on a toujours besoin de plus. Vous avez déjà des gants, mais regardez, ceux-ci sont encore mieux, il vous les faut. Alors on achète, trop vite, trop indifféremment. Je me rappelle quand j'étais enfant, de l'importance qu'avait chacun de mes jouets à mes yeux. Chaque poupée, chaque peluche, était chère à mon coeur, et jamais je n'aurais pu me séparer d'aucun d'eux sans éprouver de la peine. Encore aujourd'hui, je suis incapable de me débarrasser de certains d'entre eux. C'est exactement la sensation que l'on éprouve quand on possède quelque chose qu'on a fait soi-même. On y tient réellement, on sait ce qu'il vaut, non en matière de prix, mais en valeur affective. Le do-it-yourself est dès lors doublement un acte de résistance à la surconsommation: d'abord car c'est une chose que l'on n'achètera pas, et ensuite parce qu'on ne sera pas pressé de la remplacer.

Quelques cadeaux de Noël faits maison

Le problème récurrent actuellement, c'est le temps. On semble toujours en manquer, et notre énergie est sans cesse mise à l'épreuve pour essayer d'en gagner. Mais essayons de voir les choses autrement. Et si le véritable problème n'était pas le manque de temps, mais notre rapport à celui-ci? Après tout, chaque jour compte vingt-quatre heures, et cela a toujours été le cas. Ce qui a changé au cours du siècle dernier, c'est que de plus en plus nous nous sommes imposé l'idée que ce temps doit être utilisé de manière rentable. Si une tâche peut être accomplie en une heure au lieu de deux, on sera gagnant, ou bien c'est ce que l'on croit. Mon avis est que c'est le temps que l'on considère souvent comme "perdu" qui a le plus de valeur. Quand on ne fait rien qui soit strictement "utile", ou rentable. Passer du temps avec ses proches, lire un livre, ou même être perdu dans ses pensées, ce sont les petits bonheurs qui donnent de la couleur à nos existences. On ne devrait donc pas considérer ces moments comme perdus. De la même manière, les longs moments que cela prend pour fabriquer soi-même quelque chose, je pense que c'est du temps qui vaut la peine d'être investi de cette manière.

Qu'y a-t-il de plus beau, en effet, que le fait de créer? C'est faire apparaître quelque chose là où il n'y avait rien. C'est avoir au bout de ses doigts le pouvoir de concrétiser ce que l'on a dans la tête. Donner une forme à une idée. Et la magie de la création n'a pas besoin de se faire à un niveau élevé pour avoir du sens. Nous sommes tous des artistes, comme l'exprime si bien cette citation de Kurt Vonnegut:
"Les arts ne sont pas un moyen de gagner sa vie. Ils sont un moyen profondément humain de rendre la vie plus supportable. Pratiquer un art, qu'on le fasse bien ou pas, est un moyen de faire grandir son âme. Chante sous la douche. Danse en écoutant la radio. Raconte des histoires. Ecris un poème à un ami, même un mauvais poème. Fais-le du mieux que tu peux. Tu recevras une récompense énorme. Tu auras créé quelque chose."
Pour moi, le fait maison est à une certaine échelle une forme d'art. Un art qui est à la portée de tous. Et c'est extrêmement gratifiant. Il n'est pas nécessaire d'avoir de talent particulier, chacun peut réaliser ses propres objets. Prendre conscience de ce que l'on est capable d'accomplir de ses deux mains, c'est une sensation sans pareille. Et quand on persévère et que l'on s'améliore dans un domaine particulier, c'est encore mieux. Et plus on en fait, plus on a envie d'en faire. Alors sortons nos aiguilles, nos ciseaux, notre colle,... et surtout, notre créativité, et lançons-nous sans hésiter dans le plus beau processus dont nous sommes capables: celui de créer.

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